Les impacts socio-économiques de l’érosion côtière au Togo

Article : Les impacts socio-économiques de l’érosion côtière au Togo
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7 novembre 2017

Les impacts socio-économiques de l’érosion côtière au Togo

Érosion côtière à Baguida, périphérie de Lomé
Érosion côtière à Baguida, périphérie de Lomé

 Selon le rapport de la deuxième communication nationale du Togo sur les changements climatiques, de novembre 2010, l’érosion côtière est un phénomène constaté depuis 1968, après la construction du port de Lomé, et provoque dans ce paysage côtier un effet catastrophique car plusieurs centaines d’hectares de terre utilisée ont disparu sous la mer ; la pollution sédimentaire envase les systèmes marins.

Plusieurs chercheurs, universitaires et scientifiques mènent des travaux d’études sur le sujet. « On constate d’une manière générale dans le monde que les côtes sableuses et de vases reculent. En Afrique de l’Ouest par exemple la vitesse de recule de la côte est importante et varie entre 6, 12, 15 mètres selon les endroits. Ainsi peut-on avoir sur un kilomètre, plusieurs mètres de recule de côte », remarque le Professeur Adoté Blim Blivi de l’université de Lomé, responsable du Centre de Gestion Intégrée du Littoral et de l’Environnement (CGILE).

Il faut reconnaître que les côtes en Afrique subissent le processus d’érosion d’autant plus qu’elles portent les grandes villes capitales des pays, les industries ou encore les populations importantes. À la construction de grands ports qui interceptent la circulation des sédiments, s’ajoutent des causes liées à la nature même des côtes. « Au Togo, les dynamiques d’érosion et d’accumulation sur le littoral sont principalement liées à la présence du port autonome de Lomé, qui est en eaux profondes. Ces ouvrages reconditionnent les courants d’eau, leurs circulations, les vagues, les flux de sédiments » précise le Professeur Blivi.

En réalité, le phénomène de l’érosion est un processus naturel. Il est lié aux phénomènes de précipitation, d’ablation, de transport, et le dépôt de sédiments. L’érosion côtière est un phénomène similaire avec l’arrivée des vagues sur la côte. Cependant, elle est accentuée par certaines activités humaines, et ses conséquences sur les populations ne sont pas négligeables. Elles sont fortement ressenties dans le quotidien des populations et même sur les activités génératrices de revenu, notamment l’agriculture dans la zone.

« Au fil des années, nous perdons nos terres » confie amèrement le sieur André, un habitant de Baguida que nous avons rencontré sur le terrain. Bien plus encore, pour le jeune lycéen Frédérique Kouvianou, « le problème majeur lié à l’érosion côtière dans la zone, c’est le déplacement des populations, car pendant les saisons pluvieuses le quartier est inondé ».

Habitations menacées par l'érosion littorale, Baguida
Habitations menacées par l’érosion littorale, Baguida

« Les impacts du phénomène de l’érosion côtière au Togo sont plutôt catastrophiques ; avant il y avait des champs, des cocoteraies qui n’existent plus aujourd’hui. Sur le plan biologique et environnemental toute la végétation est partie », affirme Wilson Kpoti Bahun, hydro géomorphologue, expert en Systèmes d’Information Géographique (SIG), et assistant de recherche au CGILE. « Le phénomène a déjà emporté deux voies bitumées, des cocoteraies, etc. Si rien n’est fait, la troisième route aussi va partir », a ajouté Wilson. Selon lui, l’origine du mal remonte aux ouvrages du barrage d’Akossombo depuis la haute Volta au Ghana. En effet ce barrage constitue un retenu de sédiments, qui crée un déficit en sédiments qui devraient nourrir la côte.

Sur le plan religieux, il y a eu des perturbations dues au déplacement des autochtones, ce avec les divinités. « Les gens ont perdu beaucoup de terres, beaucoup de champs. Ce qui fait qu’ils n’ont plus de travail ni de revenu. Ils ont aussi perdu des maisons avec pour effet des déplacements importants de populations. La remarque est que les propriétaires d’hier sont devenus des locataires » a souligné Wilson. Il n’a pas manqué de relever le traumatisme des victimes, de voir du jour au lendemain leurs maisons détruites, après de lourds investissements dans la construction. Vrai n’est-ce pas ? Il s’agit bien là d’un dégât incalculable sur le plan matériel mais aussi sur le plan affectif et psychologique. « On ne peut pas dédommager l’affectif » a-t-il précisé.

Par ailleurs les jeunes n’ayant plus d’embarcation pour faire la pêche, vont prélever des graviers dans la mer à des fins économiques, ce qui accentue l’érosion sur la côte. D’autres s’adonnent à l’activité de vente de sable de mer, ce qui a été interdit pour protéger les plages togolaises.

Route bitumée emportée par les eaux, Baguida
Le Beach-Rock, une roche sédimentaire dans la zone littorale , Baguida

Face au phénomène de l’érosion côtière, l’État togolais a mis en œuvre la technique du « Pic de rochers » à Aného, environ 45 kilomètres de la ville de Lomé. Il s’agit de la protection de la plage avec des enrochements, des pavages constitués de gabions installés sur un socle en granite. Bref, un dispositif qui bloque les coups de boutoir des vagues contre la côte. Ce projet a permis de protéger la côte contre les effets de l’érosion côtière sur environ 3500 mètres à travers la construction de 9 épis, avec pour effet la stabilisation de plus de 500 mètres de berge de l’embouchure du Lac Togo.

En effet les ouvrages de protection du littoral à Aného d’un montant global d’environ 3 milliards de francs CFA, ont commencé depuis 2010, et réceptionnés en avril 2014, par le président de la république, SEM Faure Gnassingbé. Au-delà de ces ouvrages de protection du littoral, on en remarque également une série jusqu’au village de Goumou Kopé, qui se trouve protégé. On peut citer de même celui de Kpémé, qui protège le littoral contre les effets de l’usine de traitement de phosphate. D’autres ouvrages sont actuellement en cours de construction. Pour Wilson, « l’érosion côtière n’est plus un risque, c’est un fait géographique majeur » qu’il va falloir nécessairement maîtriser.

Il est clair aujourd’hui que l’érosion côtière n’est pas un mythe ou encore moins la manifestation d’une quelconque malédiction venant des divinités : des croyances populaires parfois citer pour expliquer le phénomène. Il s’agit bien d’un fait géographique réel. Pour en sauver les populations et l’avenir des localités situées sur le littoral togolais, il va sans dire que le gouvernement togolais, les autorités compétentes de gestion de l’environnement, devraient initier puis mettre en œuvre de nouvelles politiques environnementales. L’Agence Nationale de Gestion de l’Environnement (ANGE Togo) entre autres, devrait veiller à l’audit environnemental des industries et sociétés installées sur le littoral, et exiger d’elles une étude d’impact environnemental et social ; afin de mettre en œuvre les textes en vigueur.

En plus des ouvrages de protection déjà existant, dont certains vétustes, il est nécessaire de construire davantage d’ouvrages adaptés, à très longue durée de vie. Il est également important voir indispensable de sensibiliser fréquemment les populations le long du littoral, sur les bonnes pratiques et les mesures d’adaptation à l’échelle locale.

Richard Komlan Folly

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Commentaires

renaudoss
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Une véritable calamité ce truc. Il est effectivement nécessaire de prendre le problème à bras le corps. Les efforts à fournir ne sont pas des "dépenses" mais des nécessités absolues.

Richard Folly
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Renaud c'est effectivement ceux cela. Il faut prendre la mesure des choses et continuer de mettre en œuvre de nouvelles alternatives pour préserver nos plages et contre l'avancée de la mer et contre la pollution des eaux. Merci de ta contribution !

KOUAMI DODJI ADJAHO
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Monsieur Richard Komlan Folly, il est important de toujours porter à la connaissance du monde le désastre que représente le phénomène de l'érosion côtière sur le littoral togolais, cependant il faut toujours prendre soin de soumettre son texte à l'appréciation d'un spécialiste de la problématique avant toute publication.

Richard Folly
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Bonjour Mr. Adjaho, merci pour l'intérêt porté à mon petit billet sur l'érosion côtière au Togo. Je pense que vous l'aviez lu en entier avant de commenter et dans ce cas vous auriez vu les noms des spécialistes que vous connaissez bien mieux que moi et avec lesquels j'ai pu m'entretenir sur le sujet. J'ai ainsi rapporté certains de leurs propos de spécialistes - espérant qu'ils ne ce sont pas trompés - après avoir rencontrer moi-même les populations sur le terrain. Les autres propos n'engagent que moi.

Aussi ne s'agit-il pas ici d'interview à l'endroit des spécialistes, auquel cas j’aurai compris votre préoccupation de soumission du texte à leur appréciation avant publication. Par contre si vous trouvez des propos erronés dans mon texte sentez-vous libre de les mettre ici en commentaire pour que l'interaction continue, car l'un des objectifs de ce blog c'est de susciter le débat. " Chacun fait son petit métier " disait Aubert. Merci bien de votre passage ici !